Figure 1: Pages 96-97 du Dictionaire critique, t. 2
[NDLR: Les pages sont reproduites en mode texte fac-similé.]
salutaire de l'olive. Linguet. » Mon langage
est loin des éloges enivrans que lui prodigue
une aveugle prévention. Salaun.
ENNIVRER, rendre ivre: » Il l'ennivra.
» La bière ennivre comme le vin. » Il s'en-
nivre tous les jours. On dit, par extension,
que le tabac ennivre; que les vapeurs d'un
pressoir; que certaines odeurs ennivrent.
==== Il est beau au figuré. » Les louanges,
les flatteries ennivrent. » Cet homme s'en-
nivre de la bonne opinion qu'il a de lui-
même. Racine, dans Andromaque, dit, de Pyrrhus:
S'ennivrer, en marchant, du plaisir de la voir.
» Heureux, au sein de Dieu, qui couronne
tes travaux; nageant dans son immensité,
tu t'ennivres d'éternelles voluptés. Jér. Dél.
» Ce ne fut point le sommeil, qui lui versa
ses doux pavots; ce fut la discorde, qui l'en-
nivra de ses poisons. Ibid. » Sa redoutable
épée s'ennivre de carnage, et sème par-tout
le trépas. Ibid.
ENNIVRER, s'emploie aussi figurément,
dans le style familier et proverbial. » Il s'en-
nivre à force de parler: » Je n'aime point à m'enivrer d'écriture. SÉV. » S'ennivrer de
son vin, boire tout seul avec excès; et au
figuré, avoir bone opinion de soi. ==== Rem.
Quand ennivrer est sans régime, il ne signifie
qu'un cerveau troublé par les vapeurs du vin.
Ainsi, l'Auteur du Dithyrambe, aux mânes
de Voltaire, a dit ce qu'il ne voulait pas dire,
en disant, dans son début:
Quel est donc ce Vieillard, ce mortel adoré,
Qui traine sur ses pas tout un peuple enivré?
Si le peuple était ivre, son afluence autour
de Voltaire n'est pas flateûse. Ann. Litt.
ENNIVREMENT, se dit moins au propre
qu'au figuré. » L'ennivrement de l'amour et des passions.
ENLÁCEMENT, s. m. ENLACER, v. a.
[ Anlâceman, anla-cé: 2e lon. au Ier, 3ee
muet; il est fermé au 2d. Devant l'e muet
l'a est long: il enlâce, enlâcera, etc. ] En-
lacer, est I°. Passer des cordons, ou des la-
cets, etc., les uns dans les aûtres. » Enlacer
des rubans, des branches d'arbres. == 2°. Passer
dans un même lacet. » Enlacer des papiers.
==== Enlâcement, est l'action d'enlacer, ou
l'éfet de cette action.
ENLAIDIR, v. a. et n. [ An-lédi: Ire lon.,
2eé fer. ] Rendre laid: » La petite vérole l'a
enlaidie. ==== Devenir laid. » Elle enlaidit
tous les jours.
ENLÈVEMENT, s. m. ENLEVER, v.
act. * ENLEVÛRE, s. f. [ Anlèveman, An-
levé, Anlevûre; Ire lon. 2eè moyen au Ier, e muet aux deux aûtres; 3ee muet au Ier, é fer. au 2d, lon. au 3e. Dans le verbe,
l'e muet se change en è moyen. » Il enlève,
il enlèvera, etc. ] Enlèvement ne se dit que
du Rapt, de l'action par laquelle une per-
sone est enlevée malgré elle, ou une chôse
est enlevée malgré celui à qui elle apar-
tient. » L'enlèvement de Proserpine est fa-
meux dans la Fable; et celui des Sabines,
dans l'Histoire Romaine. » Bien des Filles
consentent à leur enlèvement, sous l'espoir
de forcer leurs parens à consentir à un ma-
riage qui ne leur agrée pas. » Après l'enlè-
vement de ses meubles.
ENLEVER, est, I°. Lever en haut. » Enlever des pierres avec une grûe. » Un
tourbillon l'enleva. ==== 2°. Emmener par
force. » Il a enlevé cette fille. » On l'a
enlevé de sa maison. == 3°. Enlever, en par-
lant de marchandises, se hâter d'acheter.
» Dans un jour tout le café a été enlevé.
Par extension, on dit que la mort a en-
levé un jeune homme à la fleur de son âge;
que la peste, la fièvre l'a enlevé en peu
de jours, etc. Et aussi, enlever une
place, s'en rendre maître: enlever un quar-
tier, un Régiment, les forcer dans leur
poste. ==== 4°. Enlever, transporter d'ad-
miration. » Ce Prédicateur, cette pièce,
cette musique enlève tout le monde. ====
5°. Ôter de manière qu'il ne reste aucun
vestige. » Enlever des taches.
On dit, prov. Cela enlève la pâille; est
au-dessus de tout, ou est décisif. Être
enlevé comme un corps saint; être emmené,
comme malgré soi, à une partie de plai-
sir.
* ENLEVÛRE, petite vessie ou bube, qui
vient sur la peau. Ce mot est corrompu
d'élevûre, et l'on ne dit plus que celui-ci.
* ENLEVÉE, s. f. Enlèvement. C'est
un mot de Pluche. » Il seroit encôre mieux
de défendre les enlevées, et de laisser aux
particuliers le soin de conserver leur blé. Enlevée n'est point dans les Dictionaires.
On dit Enlèvement.
* ENLIASSER, v. act. est un gasconis-
me. On dit Accoupler. » Enliasser des tor-
chons. Gasc. Corr.
* ENLUMINER, v. act. ENLUMINEUR,
EÛSE, s. m. et fém. ENLUMINÛRE, s. f.
[ Anluminé, neur, neû-ze, nûre: 4eé fer.
au Ier, lon. aux aûtres. ] Enluminer, c'est
colorier une estampe. Enlumineur, Enlu-
mineûse, celui, celle qui fait métier de co-
lorier des estampes, des cartes de Géogra-
phie. Enluminûre, est, I°. l'Art d'Enlumi-
ner: Il entend bien l'Enluminûre. ==== 2°.
L'ouvrage de l'Enlumineur. » Cette Enlu-
minûre est grossière. Rem. Les deux substantifs ne se disent
qu'au propre, le verbe se dit aussi au fig.
dans le st. plais. mais bâs et prov. S'enlu-
miner la trogne, le museau, boire avec
excès et devenir rouge et enflamé pour avoir
trop bu. On dit, moins bassement, que
l'ardeur de la fièvre enlumine le visage d'un
malade. Dans le Dict. de Trév. on dit
même que: » la pudeur enlumine agréa-
blement un visage, mais cela ne pourrait
se dire que dans le st. badin.
ENMENER. Voy. EMMENER. ENN. Dans cette syllabe, quand elle
comence le mot, la Iren est muette: elle
ne sert qu'à doner à l'e le son de l'a. La
2de s'unit avec la voyelle suivante: Enno-
blir, ennui, ennuyer, etc. Pron. Anoblir, anui, anuyé, etc. On ne devrait donc pas
mettre cette double n à ennemi, puisqu'on
ne prononce pas anemi, mais énemi; et on
devrait la mettre à ennivrer et à ennorgueil-
lir, qu'on écrit mal-à-propos enivrer, enor-
gueillir, puisqu'on prononce anivré, an-
orgueilli, et non pas énivré, énorgueilli. ENNE. La pénultième est brève, Étrenne,
qu'il prenne, qu'il aprenne, etc. On
pourrait ne mettre qu'une n, et remplacer
celle qu'on suprimerait par un accent grâve
sur l'e, pour marquer le son de l'è moy. » Etrène, qu'il prène, qu'il aprène, etc.
ENNEMI, ou plutôt ÉNEMI, IE, subst.
m. et fém. [ Prononc. dit l'Acad. comme s'il
y avait enemi, c. à d. avec un e ouvert:
mais aucun de nos mots, excepté être, ne
comence par un ê ouv. L'é d'énemi est fer.
comme tous les mots de la Langue qui co-
mencent par un e, et qui ne sont pas sui-
vis d'une m ou d'une n. Mais si énemi
a le Ieré fer., et quand même il aurait cet ê ouvert, pourquoi l'écrire avec 2 n? Cette
ortographe est capable d'induire en erreur et
le peuple et les étrangers, et à faire pro-
noncer, ou an-nemi, comme on prononce
en certaines Provinces, ou du moins anemi,
comme on prononce dans, ennoblir, ennui, ennuyer, etc. Voy. ENN. Ennemi devrait
céder à enivrer un n, qui est inutile au
Ier, et qui serait nécessaire au second. On
devrait écrire énemi et ennivrer. Voy. ENI-
VRER. ] I°. Celui ou celle qui veut du mal
à quelqu'un. » Mon énemi, ses énemis, énemi de Dieu et des hommes, de la Reli-
gion, de l'État, etc. == 2°. Le parti con-
traire, qui fait la guerre. En ce sens, on
dit l'Énemi, ou les Énemis. » Repousser l'énemi, les énemis. » En présence de l'éne-
mi. Tomber entre les mains des énemis. ==
3°. Relativement aux chôses; qui a de l'a-
version pour, qui est oposé à... Énemi
des cérémonies, des procès. » Énemi de la
vertu, de la raison, de la société. ==== 4°. Énemi se dit des animaux, et même des
chôses inanimées. » Le Chat est l'énemi de
la Souris, le Crapaud de la Belette. Le
chou est l'énemi de la vigne. » La débau-
che est l'énemie de la santé. == 5°. En Poé-
sie, on l'emploie comme adjectif. » Les des-
tins énemis, les vents énemis, la fortune énemie, pour dire, contraires. On dit,
en prose, nation énemie, peuple énemi, en
pays énemi. ==== Il suit toujours, même
en vers, le nom qu'il modifie.
Chasse l'avide oiseau, détruis l'ombre énemie. De Lille.
Le même Poète dit du Soleil:
Si de taches semé, sous un voile énemi,
Son disque renaissant se dérobe à demi,
Crains les vents pluvieux.
On dit en st. prov. Autant de pris sur
l'énemi: c'est toujours beaucoup d'avoir tiré
quelque chôse d'une persone avâre, qui ne
veut jamais rien doner.
REM. Énemi régit le datif, mais avec l'ar-
ticle défini. » Les impies sont les énemis de
l'Etat, bien plus encôre que de la Reli-
gion. Voyez plus haut plusieurs aûtres exem-
ples. * M. Sabatier de Castres emploie l'ar-
ticle indéfini (la prép. de sans article.) » Ce
ton énemi de parûre et de prétention, a
vraisemblablement contribué au peu de suc-
cès des productions de M. Tanevot, dans un
siècle où l'on ne goûte que les pointes, le
persiflage, et la fatigante énergie de nos
prétendus penseurs en vers. Je pense que
l'Auteur devait dire, ce ton énemi de la pa-
rûre, de la prétention; comme on dit, énemi de la joie, de la paix, de la con-
trainte, et non pas énemi de joie, de paix, de contrainte, etc.