CHWP B.21 | Catach, "Les dictionnaires de l'Académie française" |
La présentation de la 1ère édition n'est ni alphabétique, ni vraiment étymologique. C'est un classement, courant dans les dictionnaires anciens, dit par "familles de mots". On y trouve, malgré les connaissances insuffisantes du temps, une tentative intéressante et soigneuse de séparation d'entrées d'origine ou de sens différents et des homographes, sans doute sous l'influence des travaux étymologiques de Ménage; par ex.: lampas n'est pas sous lampe; langueur, languir ne sont pas sous langue; larcin est sous larron (mais pas latrie, latrines, de même origine mais trop éloignés); louvoyer, terme de marine d'origine nordique, n'est pas sous loup; lay, laye "laïque" est distingué de lay "chanson", de laye "femelle du sanglier" et de laye "route".
Malgré tout, on ne peut que constater, comme il est naturel, de nombreuses erreurs d'étymologie, dont certaines ont eu une grande influence sur notre façon d'écrire; ex. legs est sous léguer, évidemment écrit avec un g, février (qui vient de februus "purificateur") sous fièvre, sans compter autheur, authorité avec un h (lat. auctor, auctoritas), posthume, sçavoir, poids, etc.; abonner est classé sous bon, alors qu'on savait depuis R. Estienne qu'il vient de borne.
Les trois lettres initiales servent en principe de premiers repères pour les suites de mots (LAB, LAC, LAD, LAI...). Il faudra cependant prendre garde à ces problèmes d'ordre alphabétique. Non seulement à cause du choix lexicographique majeur des familles, mais en particulier en ce qui concerne le J et le V.
L'Académie avait dès cette date (sous l'influence de Thomas Corneille) opté pour une séparation du i/j, u/v, et elle le fait dans l'écriture des mots. Mais la séparation méthodique des entrées n'est pas faite, parce que les nouvelles lettres ne font pas, pour l'imprimeur, partie de l'alphabet, et l'on trouve, par exemple, les suites suivantes: Levrette, levrier, levron, leurre, leurrer, lexive...; Lieutenant, lieue, lievre, levraut, levrette, levrier, levron... Ces confusions se retrouveront dans les éditions jusqu'en 1798, qui introduit définitivement les deux lettres J et V dans l'alphabet.
Les entrées principales sont en capitales, les entrées secondaires (sous-entrées) en petites capitales, avec parfois, en petites italiques, une troisième catégorie d'entrées jugées moins importantes. Ainsi, dans l'exemple ci-dessus, laye "route" est en petites italiques. On trouve également, sous l'annonce classique du dictionnaire ("On dit"), d'autres mots qui seront plus difficiles à retrouver. Ces deux derniers types sont directement pris dans des syntagmes.
Le mot-chef de rubrique est souvent un verbe, même si parfois le nom ou certains dérivés auraient dû l'être de toute évidence. Ces mots-chefs bénéficient d'un traitement plus complet que les autres, qui sont par la force des choses un peu négligés. La microstructure est relativement soignée, et on est frappé par la richesse des contextes et la finesse de certaines remarques de langue.
Cette présentation par familles occasionne cependant, on s'en doute, des désordres dictionnairiques de grande ampleur (renvois des sous-entrées non traités, mots et catégories grammaticales oubliés, variantes différentes dans les renvois, articles multiples pour les mêmes mots, manques dans la normalisation typographique, etc.). Elle a été si critiquée à la parution du dictionnaire que le classement alphabétique est rétabli dès l'édition suivante (1718), mais ce mauvais départ s'est répercuté sur toutes les éditions. Pourtant, nous jugeons que cette première édition, non dépourvue de qualités, est importante à tous égards, et nous y insisterons.