CHWP B.21 | Catach, "Les dictionnaires de l'Académie française" |
Une autre caractéristique du Dictionnaire de l'Académie est son ouverture d'esprit. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, un ouvrage qui s'était forgé au départ sous les auspices des meilleurs grammairiens, dont la rédaction avait d'abord été confiée à Vaugelas (lequel était allé dans sa rédaction jusqu'à la lettre M), dans une atmosphère culturelle générale aussi animée, ne pouvait être un ouvrage "normatif", tel que nous l'entendons aujourd'hui. Citons la "Première observation" des Cahiers de Mézeray concernant l'orthographe:
Les Académiciens ont appliqué cette doctrine bien au-delà du domaine de l'orthographe. Il s'agit d'une attitude relativiste de "bon usage", qui privilégie une ou plusieurs façons de parler, du moment qu'elles viennent des gens de bien, sans pour cela rejeter les autres. Nous avons mentionné leur ouverture aux parlers populaires et nous parlerons plus loin des variantes de tous ordres qui sont présentes dans le Dictionnaire. Mais il faudrait également étudier dans les définitions (inégales, parce que faites par des mains différentes, voire multiples) la richesse des analyses, des synonymes; ainsi, sous eslargir: "On dit de quelqu'un qu'il s'eslargit, pour dire, qu'il prend davantage de terrein, d'espace, qu'il estend, qu'il agrandit sa terre, son parc, etc., soit par acquisition ou autrement."
On trouve rarement dans les articles des mentions de niveaux de langue, excepté celles de "bas", "vulgaire", "vieux", etc., rendues fréquentes en raison du grand nombre de termes familiers ou argotiques acceptés ou réappréciés par l'Académie. La première édition est bien le reflet de son temps, qui est un temps d'équilibre: courtisane et moderniste comme Perrault (voir plus bas les nombreuses apparitions de féminins), raisonnable et conservatrice comme Boileau, sans qu'elle ait le plus souvent été tentée de trancher ni en mesure de choisir entre les uns et les autres.